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Portrait – Amadou-Mahtar M’Bow, ancien DG de l’UNESCO

Portrait – Amadou-Mahtar M’Bow, ancien DG de l’UNESCO
Amadou-Mahtar M'Bow (Senegal) 1974 - 1987. Imagen: Web UNESCO

Amadou Ba

Periodista-investigador

Immortel 

Le septième directeur de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), de 1974 à 1987, Amadou-Mahtar M’Bow, 100 ans, a consacré toute sa vie aux combats pour le triomphe des valeurs humanistes. Une vie et une œuvre trempées dans des grands sacerdoces, comme des marqueurs intemporels pour le présent et le futur. 

« Homme multidimensionnel » ! Rarement expression n’a été très souvent galvaudée pour qualifier certaines « personnalités ». Mais pas Amadou-Mahtar M’Bow. Loin de là ! L’expression lui collerait même à la peau. Désintéressé et discret, l’homme voudrait l’esquiver qu’il ne le pourrait pas. Tellement, elle lui va comme un gant. Mieux, comme le fameux sparadrap du capitaine Haddock.   

Homme de culture, humaniste, leader éclairé, universitaire, intellectuel, trésor humain vivant, etc. Amadou-Mahtar M’Bow est tout cela à la fois. Et bien plus. « On lui reprochera de vouloir sauver la conscience du monde, de donner trop de place à l’éthique et à l’humanisme et son combat pour un nouvel ordre économique international et pour un nouvel ordre de l’information et de la communication lui vaudra l’inimitié des plus nantis et lui coutera son poste », dit de lui l’écrivain Fadel Dia dans un hommage paru dans la presse sénégalaise. 

Sans avoir besoin de dérouler son CV kilométrique, au pif, rappelons juste ses brillantes communications aux rencontres et congrès fondateurs du panafricanisme et de la libération des peuples alors sous domination, les conférences d’experts pour discuter des réformes des programmes des manuels scolaires et d’enseignement d’Afrique noire et de Madagascar, comme on disait à l’époque. Des grands-messes lors desquels l’ancien directeur général de l’Unesco a prononcé des communications, proposé des innovations gravées dans le marbre de la postérité.  Pas moins de 32 publications scientifiques parus dans des ouvrages de référence portent sa signature, de même que 30 autres publications thématiques (éducation, culture, etc.).  

Très tôt guidé par les idéaux de liberté et de dignité humaine, Amadou-Mahtar M’Bow, l’adolescent de 18 ans, s’engage volontairement dans l’armée de l’air coloniale lors de la seconde guerre mondiale. A la fin de celle-ci, il poursuit des études en France, en même temps qu’il prend part à tous les combats pour l’émancipation du continent africain et des peuples opprimés.  

Membre fondateur de la célèbre Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) et du Parti du regroupement africain (PRA-Sénégal), il a fréquenté, les plus grands cercles intellectuels et militants de la diaspora africaine à Paris, avec les Abdoulaye LyAssane SeckCheikh Anta DiopAlioune DiopJoseph Ki-ZerboAmady Ali Dieng, etc. Nous sommes dans les 50-60. Mahtar M’Bow et ses amis sont sur tous les fronts pour démonter thèses racistes et idéologies suprémacistes blanches de l’époque. Pour l’écrivain et ancien sénégalais, Cheikh Hamidou Kâne, « ce qui fascine dans cette existence d’Amadou-Mahtar, et celle de la génération des autres membres des « Aînés du XXe siècle africain » qui ont noms, entre autres, SENGHOR, Cheikh Anta Diop, Ahmadou Hampaté Bâ, Alioune Diop, Joseph Ki-Zerbo, c’est à la fois leur indéfectible fidélité au génie de cette « Afrique-Mère » si universellement décriée, et leur combat victorieux pour sa renaissance et son nouvel avènement au monde. Pour ce qui les concerne, eux tous, il n’est que de citer les combats pour opposer au mépris un défi victorieux. » 

Éducateur de base 

Ces combats parachevés par le Soleil des indépendances de nombreux Etats africains, Amadou-Mahtar M’Bow rentre au pays pour éduquer, transmettre ; bref former les futurs cadres sénégalais et africains.  

Au Sénégal, l’éducation de masse des populations, rurales notamment, a toujours été un cheval de bataille pour lui. C’est tout naturellement qu’on lui confie, bien avant l’indépendance du Sénégal déjà, le Service de l’Éducation de base, (un programme d’alphabétisation et de développement des communautés rurales).  C’est dire comment la vulgarisation de l’éducation et de l’instruction – ce qu’on appelle aujourd’hui démocratisation du savoir, a toujours tenu lieu de sacerdoces pour lui.  

Le Service de l’Éducation de base service était comme taillé pour lui. Tant la dissémination de la culture au sein des « masses laborieuses » lui a tenu à cœur. A Darou Mousty, Badiana, Sénoudébou, Gaya, etc., Amadou-Mahtar M’Bow a sillonné les contrées sénégalaises de l’Intérieur, diffusant ainsi des savoirs en Histoire, Géographie et connaissances assimilées. Le Sénégal est à l’orée de son indépendance, qui lui sera octroyé par la France en 1960.

Amadou-Mahtar M’Bow occupera plus tard le poste de ministre de l’Éducation nationale (1966-1968), puis de la Culture et de la Jeunesse (1968-1970). Il fut également député à l’Assemblée nationale, membre du Conseil exécutif en 1966 et du Conseil municipal de Saint-Louis. 

Puis, quelques années plus tard, en 1974, arrive le sacre. Le graal. Amadou-Mahtar M’Bow est porté à la tête de l’UNESCO. Pour la première fois, un Africain est porté à la tête d’une organisation des Nations-Unies. Pour mesurer la portée de cet évènement, l’élection de Barack Obama, en 2008, à la présidence américaine, est sans aucun doute le parfait révélateur. M’Bow passe treize ans à l’UNESCO (1974-1987), remplissant deux mandats salués pour les avancées notées par l’institution.    

En 1984, le pape Jean-Paul II lui adresse même une lettre de félicitations et de prières ; saluant son combat à la tête de l’Unesco « en faveur d’une alphabétisation qui, tout en répondant à des besoins économiques et pratiques, vise fondamentalement à la promotion et à l’épanouissement de l’homme au niveau de sa vocation spirituelle. J’invoque sur tous ceux qui se consacrent ou donnent le temps dont ils disposent à cette expansion de la culture humaine chez les peuples et les individus les plus déshérités la lumière et la force du Dieu tout-puissant. »   

Dans le gros lot de satisfécits et de distinctions glanés à travers le monde, Amadou-Mahtar M’Bow compte pas moins de 42 titres de docteur honoris causa. A titre de comparaison, le premier président du Sénégal, Léopold Senghor; 37 décorations à travers le monde, contre 11 pour Senghor. Qui dit mieux ? 

Visionnaire avant-gardiste 

Amadou-Mahtar M’Bow, c’est également le visionnaire aux idées et combats avant-gardistes. Septième directeur général de l’UNESCO, il a par exemple lancé avant tout le monde, dès 1978,  le débat sur la restitution des biens culturels des peuples anciennement colonisés. C’est dire que le président français, Emmanuel Macron, en commandant un rapport intitulé Restituer le patrimoine africain, à Bénédicte Savoy, professeure d’histoire de l’art à l’Université technique de Berlin et Felwine Sarr, le Sénégalais professeur d’économie n’a fait qu’emprunter le sillon tracé par M’Bow, quarante ans plus tôt. Ce n’est pas tout, le Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication, le fameux NOMIC porte également son empreinte. Aujourd’hui, l’accès universel à l’information, le développement des technologies de la communication et la résorption du gap technologique (la fracture numérique) entre le Nord et le Sud, demeure plus que jamais une préoccupation actuelle.   

Témoin de son temps et acteur majeur de la vie nationale sénégalaise, Amadou-Mahtar M’Bow a toujours rechigner à se donner un repos bien mérité. Citoyen engagé, il avait accepté à la demande générale de présider les Assises nationales (le 1 er juin 2008 – 24 mai 2009). Une « parodie de Conférence nationale », selon l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade, qui n’avait pas du tout apprécié la tenue de cet évènement. Wade finira par partir, défait en 2012 par Macky Sall. Arrivé au pouvoir, ce dernier, confie à Amadou-Mahtar M’Bow la tâche de réfléchir à des institutions solides capables de prévenir les dérives de tout dirigeant au pouvoir. Hélas, les rapports qui en étaient issus ont été snobés par son commanditaire. L’écrivain Fadel Dia résume bien la situation : « La seule occasion qui lui fut offerte de donner une démonstration de sa lucidité fut la présidence des Assises nationales du Sénégal, rare moment de communion nationale qui fut malheureusement snobé par un président et rangé au placard par le suivant ! » 

Pour qui connaît le patriarche M’Bow sait qu’il n’a fait que répondre à un Appel pressent de la nation. Comme toujours. Transmetteur généreux et militant infatigable pour le renouveau, non pas seulement de son cher pays, mais de toute l’Afrique et au-delà, de tout peuple opprimé. C’est cet état d’esprit quasi atavique, chevillé au corps, qui fait d’Amadou-Mahtar M’Bow un immortel. 

Article rédigé par Amadou Ba.

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